Une cigarette sur deux provient de la contrebande, info ou intox ?
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Rubrique Web & Culture Numérique
Vous avez peut-être entendu cette phrase dans un reportage à la télévision ou lu sur un site : « une cigarette sur deux en France serait issue de la contrebande ». Des chiffres qui font réfléchir, non ? Mais est-ce que cette affirmation tient vraiment la route ? Surtout quand on pense à ceux qui achètent leurs clopes légalement dans un pays voisin, où elles sont moins chères. En fait, la réalité est un peu plus compliquée que ce qu’on veut nous faire croire.

Une cigarette sur deux vient-elle vraiment de la contrebande ?
Quand on entend qu’une cigarette sur deux serait achetée au marché noir, on imagine tout de suite des réseaux clandestins, des valises pleines de cartouches et des deals au coin des rues. Cette idée, souvent relayée par des reportages choc, a de quoi marquer les esprits. Mais d’où sort ce chiffre ? En général, il vient d’études comme celles de KPMG, qui estiment qu’environ 43 % des cigarettes fumées en France en 2023 ne passent pas par les buralistes. Sauf que, là-dedans, on mélange un peu tout : la contrebande, les paquets contrefaits et… les achats tout à fait légaux dans des pays comme l’Espagne ou le Luxembourg. Alors, dire que la moitié des clopes viennent de la contrebande, c’est peut-être grossir les chiffres.
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Vente de tabac : un marché parallèle pas si simple
Si on regarde de plus près, les cigarettes qui échappent aux buralistes ne sont pas toutes des produits illégaux. Par exemple, beaucoup de Français traversent la frontière pour acheter leurs paquets là où les taxes sont moins lourdes. En 2017, environ 11 % des cigarettes consommées ici venaient de ces achats légaux à l’étranger. Cela en représente une bonne part, non ? En comparaison, la vraie contrebande, celle qui passe par des réseaux illégaux, tournait autour de 13 % à l’époque. Plus récemment, en 2023, les chiffres parlent d’environ 30 à 35 % pour la contrebande et la contrefaçon réunies. Donc, oui, il y a un problème, mais on est loin du « une sur deux » qu’on nous serine, surtout si l'on met de côté les achats légaux.
Mais, les chiffres récents donnent quand même le tournis. Selon une étude KPMG de 2024, près de 49,4 % des cigarettes fumées en France n’ont pas été achetées chez les buralistes. Ce marché parallèle, qui inclut contrebande, contrefaçon et achats légaux à l’étranger, a bondi de 60 % depuis 2020. Plus inquiétant encore, 15,6 % des cigarettes consommées seraient des contrefaçons, produites dans des usines clandestines, parfois en France, en Belgique, en Espagne ou dans des pays de l’Est. On parle de 8 milliards de cigarettes contrefaites, soit 400 millions de paquets ! Et tout ça représente un manque à gagner fiscal énorme : 9,5 milliards d’euros de taxes non perçues. Des chiffres qui démontrent que le problème est bien réel, même si tout n'est pas de la contrebande pure.
Des chiffres à prendre avec des pincettes
Bon, soyons honnêtes, ces chiffres, ils viennent souvent d’études financées par les géants du tabac, comme Philip Morris. Et là, on peut se poser des questions. Pourquoi ces entreprises s’intéressent-elles autant au marché noir ? Peut-être pour pousser les gouvernements à baisser les taxes sur le tabac, en disant que c’est la hausse des prix qui alimente la contrebande. Le Comité national contre le tabagisme, par exemple, n’est pas tendre avec ces rapports. Ils les accusent de gonfler les chiffres pour faire peur. Et puis, entre nous, ramasser des paquets vides dans la rue pour estimer la part du marché parallèle, ce n’est pas forcément hyper fiable. Sans parler du fait qu’on a du mal à savoir exactement combien de cigarettes viennent des réseaux illégaux et combien sont juste achetées moins cher à l’étranger.
Une montée de la contrefaçon qui complique tout
Depuis la pandémie, les choses ont un peu changé. La contrefaçon, par exemple, a explosé. En 2020, on est passés de 3,7 % à presque 12 % de cigarettes contrefaites. C’est énorme ! Ces paquets, souvent fabriqués dans des usines clandestines, inondent le marché et viennent grossir les stats du marché noir. En 2023, la France était même pointée du doigt comme le champion européen des cigarettes illégales, avec presque 17 milliards de clopes consommées. Mais, encore une fois, ce chiffre mélange tout : les fausses cigarettes, la contrebande pure et dure, et même les achats légaux. Alors, dire que la moitié des cigarettes viennent de la contrebande, c’est un raccourci qui arrange bien ceux qui veulent faire du bruit.
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Alors, une cigarette sur deux qui provient de la contrebande info ou intox ?
Au final, l’idée qu’une cigarette sur deux serait issue de la contrebande, si on exclut les achats légaux à l’étranger, ne tient pas vraiment la route. Les chiffres les plus fiables tournent autour de 25 à 35 % pour la contrebande et la contrefaçon combinées. Les achats légaux dans d’autres pays, eux, représentent une part non négligeable, parfois jusqu’à 15 %. Donc, non, on ne peut pas dire que la moitié des cigarettes fumées en France viennent du marché noir pur et dur. C’est une simplification qui fait bien dans les titres, mais qui tord un peu la réalité.
( Temps de lecture : 6 minutes. L’illustration de notre article provient de Geralt sur le site Internet Pixabay. Si l’image vous intéresse, vous pouvez faire un don sur le site avant de la télécharger. )