Les appels de plus de 10 minutes seront enregistrés par les opérateurs ? Info ou intox ?
Publié le dimanche 17 août 2025 10h37
Une vidéo virale circulant sur TikTok et d’autres plateformes prétend qu’à partir de 2026, tous les appels téléphoniques de plus de 10 minutes seront automatiquement enregistrés par les opérateurs en France. Cette mesure, attribuée à une nouvelle loi, soulève des débats enflammés : lutte contre les fraudes ou atteinte à la vie privée ? On fait le point sur cette information pour séparer le vrai du faux et analyser ce que ça implique.
Internet & réseau : une femme au téléphone (Crédit : Geralt)
Les appels enregistrés : une rumeur qui fait du bruit sur les réseaux
Depuis quelques semaines, une vidéo relayée sur TikTok et d’autres plateformes sociales agite les internautes. Elle prétend qu’une loi, tout juste adoptée par l’Assemblée nationale, obligerait les opérateurs comme Orange, SFR, Bouygues ou Free à enregistrer les appels dépassant 10 minutes. Ces enregistrements, selon la rumeur, seraient conservés 30 jours, sauf si la justice ou les autorités en décident autrement. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, est même cité, via un supposé relais de BFM TV, pour justifier cette mesure comme un outil contre les arnaques et la criminalité.
Mais qu’en est-il vraiment ? D’abord, il faut vérifier la source. Aucune trace d’une telle annonce n’apparaît sur le site de l’Assemblée nationale, ni dans les déclarations officielles de Bruno Retailleau. Les archives de BFM TV ne mentionnent pas non plus cette information. Ça commence à sentir l’intox.
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Une loi qui n’existe pas (pour l’instant)
En creusant un peu, on s’aperçoit vite que cette histoire d’enregistrement systématique des appels repose sur du vent. Aucune loi votée récemment en France n’impose aux opérateurs d’enregistrer les conversations téléphoniques au-delà d’une certaine durée. Les textes actuels, comme le Code des postes et des communications électroniques, encadrent déjà l’interception des communications, mais uniquement dans des cas précis : enquêtes judiciaires, sécurité nationale ou lutte contre le terrorisme. Ces interceptions nécessitent un mandat ou une autorisation stricte, bien loin d’un enregistrement automatique de toutes les conversations longues.
Quant à la conservation des données, les opérateurs stockent effectivement certaines métadonnées (numéro appelé, durée, date), mais pas le contenu des appels. Cette rumeur semble donc être une exagération ou une pure invention, peut-être inspirée par des débats sur la surveillance numérique.
Pourquoi cette idée fait-elle peur ?
Même si l’info est fausse, elle touche une corde sensible : la peur d’une intrusion dans notre vie privée. On a tous en tête les scandales sur l’écoute des communications, comme les révélations d’Edward Snowden sur la NSA. L’idée que nos appels, même les plus banals, puissent être enregistrés et stockés quelque part, ça donne des frissons. Surtout que, soyons honnêtes, qui n’a jamais dépassé 10 minutes au téléphone avec un proche ou un collègue ? Cette rumeur joue sur cette inquiétude collective, amplifiée par notre dépendance aux smartphones et aux réseaux. Elle est d’autant plus crédible qu’elle cite des noms connus, un ministre, une chaîne d’info, pour donner du poids à l’histoire. C’est une tactique classique des fausses informations : mélanger des bribes de réalité avec des affirmations inventées.
La lutte contre les arnaques, un prétexte plausible
L’argument avancé dans la vidéo, celui de lutter contre les fraudes téléphoniques, n’est pas totalement farfelu. Les arnaques par téléphone explosent ces dernières années : appels frauduleux, phishing vocal, escroqueries aux faux conseillers bancaires… En 2024, les plaintes pour ce type de délits ont augmenté de 20 % en France, selon les chiffres de la gendarmerie. Une mesure pour mieux tracer ces appels pourrait sembler légitime. Mais enregistrer toutes les conversations longues ? Cela parais disproportionné. D’autres outils, comme le filtrage des numéros suspects ou les campagnes de sensibilisation, sont déjà en place et bien moins intrusifs. Si une telle loi voyait le jour, elle poserait de sérieux problèmes techniques : stocker des millions d’appels demanderait des infrastructures colossales et des mesures de sécurité drastiques pour éviter les piratages.
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Vie privée versus sécurité : un débat toujours d’actualité
Même si cette rumeur est fausse, elle rappelle un dilemme bien réel : où placer la frontière entre sécurité et respect de la vie privée ? Si une telle mesure était envisagée, elle soulèverait des questions éthiques. D’un côté, les autorités pourraient arguer qu’écouter certains appels permet de coincer des escrocs ou de démanteler des réseaux criminels. De l’autre, les citoyens risqueraient de se sentir surveillés en permanence, même pour une simple discussion avec un ami. Les exceptions mentionnées dans la vidéo, appels de médecins ou d’avocats, ne suffiraient pas à rassurer tout le monde. Sans parler des risques d’abus : qui garantirait que ces enregistrements ne soient pas utilisés à mauvais escient ? La CNIL, garante de la protection des données en France, aurait son mot à dire, et les opérateurs eux-mêmes rechigneraient probablement à gérer un tel dispositif.
Comment repérer ce genre d’intox ?
Cette histoire montre à quel point il est facile de propager une fausse information. Quelques conseils pour ne pas se faire avoir : d’abord, vérifier les sources. Si une vidéo TikTok cite une loi, cherchez le texte officiel sur le site de l’Assemblée nationale ou de Legifrance. Ensuite, méfiez-vous des formulations alarmistes ou trop précises, comme ce seuil de « 10 minutes » qui semble sorti de nulle part. Enfin, croisez les informations : si BFM TV avait vraiment relayé une telle annonce, d’autres médias en auraient parlé. En l’absence de preuves, mieux vaut rester sceptique. Les réseaux sociaux sont un terrain fertile pour les rumeurs, et une vidéo virale n’est pas forcément synonyme de vérité.
Et si c’était vrai un jour ?
Imaginons une seconde que cette idée devienne réalité. Les réactions seraient probablement vives. Les associations de défense des libertés, comme La Quadrature du Net, monteraient au créneau. Les citoyens, eux, pourraient changer leurs habitudes : raccourcir leurs appels, passer à des applis chiffrées comme Signal ou WhatsApp. Mais pour l’instant, rien de tout ça n’est à l’ordre du jour. Cette rumeur, bien qu’inquiétante, reste une intox. Elle nous pousse quand même à réfléchir à ce qu’on est prêts à accepter pour se sentir en sécurité, et à rester vigilants face aux informations qu’on croise en ligne.
( Temps de lecture : 6 minutes. L’illustration de notre article provient de Geralt sur le site Internet Pixabay. Si l’image vous intéresse, vous pouvez faire un don sur le site avant de la télécharger. )
chabot thierry
Passionné par les ordinateurs depuis son premier PC-1512, il est l'auteur principal des articles concernant Internet, les OS et les moteurs de recherches. Il répond souvent sur les forums avec le pseudonyme Cthierry pour proposer des solutions.