Budget 2026 : les retraités perdront-ils leur abattement fiscal de 10 % ?
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Rubrique Tendances & Actus
Dans un climat d’austérité budgétaire, le gouvernement français envisage de supprimer l’abattement forfaitaire de 10 % sur les pensions des retraités pour le budget 2026. Cette mesure, qui touche directement les seniors, suscite de vives controverses. Alors que l’État cherche à réduire les dépenses sociales et à combler un déficit public, cette réforme des retraites pourrait bouleverser le quotidien de millions de foyers. Mais de quoi s’agit-il vraiment, et quelles seraient les conséquences pour les retraités ? Décryptage.

Un abattement fiscal, c’est quoi au juste ?
Depuis 1978, les retraités bénéficient d’un coup de pouce fiscal bien pratique : un abattement de 10 % sur leurs pensions au moment de remplir leur déclaration d’impôts. Concrètement, ça veut dire qu’une partie de leur revenu imposable est effacée pour réduire la facture fiscale. Cet avantage, plafonné à 4 399 euros par foyer fiscal en 2025, a été pensé à l’époque pour aligner les retraités sur les actifs, qui eux aussi profitent d’un abattement similaire pour leurs frais professionnels. « C’était une façon de reconnaître que les pensions, comme les salaires, supportent des charges indirectes », explique un ancien fonctionnaire du ministère des Finances. Sauf que, aujourd’hui, ce mécanisme semble un peu daté pour certains.
Pourquoi ? Parce que les retraités n’ont pas de frais professionnels, et que cet abattement ressemble parfois à un privilège difficile à justifier face à un budget national qui tousse. Cet abattement concerne des millions de retraités, mais il ne profite pas à tout le monde de la même manière. Si vous touchez une petite pension, vous êtes peut-être déjà non imposable, donc ce coup de pouce ne change rien pour vous. En revanche, pour les foyers plus aisés, ceux qui paient des impôts, ça peut représenter plusieurs centaines d’euros d’économies chaque année. Et c’est là que le débat commence à chauffer.
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Pourquoi le gouvernement veut-il s’en débarrasser ?
Avec un déficit public qui a grimpé à 5,8 % du PIB en 2024, le gouvernement a les yeux rivés sur ses comptes. L’objectif ? Ramener ce déficit à 4,6 % en 2026, un défi qui demande de trouver 40 à 50 milliards d’euros d’économies. Et dans ce grand ménage budgétaire, l’abattement fiscal des retraités est une piste qui revient sans cesse. « On ne peut pas toujours demander aux actifs de financer les dépenses liées au vieillissement », a lâché Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, dans une interview au Parisien. En gros, l’idée, c’est de faire contribuer les seniors, surtout les plus à l’aise, pour équilibrer les comptes.
Cette mesure rapporterait gros : environ 4 à 4,5 milliards d’euros par an, selon les estimations. Pas négligeable quand on cherche à boucher un trou financier. Mais ce n’est pas juste une question de chiffres. Pour certains, comme le Medef, cet abattement est carrément « aberrant », car il n’a pas de justification claire dans le monde d’aujourd’hui. D’autres, comme la Cour des comptes, suggèrent depuis des années de le revoir pour mieux répartir les efforts entre générations. Et puis, il y a un argument moral qui pèse : pourquoi les retraités, souvent perçus comme une population protégée, bénéficieraient-ils d’un avantage fiscal alors que les jeunes générations galèrent avec des salaires stagnants et des loyers qui flambent ?
Mais attention, tout n’est pas si simple. Toucher à cet abattement, c’est aussi prendre un risque politique. Les retraités votent, et ils votent beaucoup. « C’est un électorat qu’aucun gouvernement ne peut ignorer », glisse un conseiller ministériel au Journal du Dimanche. En 2025, à deux ans de la présidentielle, le sujet est explosif.
Qu’est-ce que ça changerait pour les retraités ?
Si cet abattement disparaît, l’impact ne sera pas le même pour tout le monde. Pour les retraités qui ne paient pas d’impôt – environ la moitié d’entre eux –, ça ne changera rien. Mais pour ceux qui sont imposables, la facture pourrait grimper. Prenons un exemple : un retraité avec une pension de 1 600 euros par mois pourrait se retrouver à payer 300 euros d’impôt en plus par an, selon Franceinfo. Pas énorme, mais quand on vit avec une pension fixe, chaque euro compte. « Une fois qu’on est à la retraite, on n’a plus de marge de manœuvre », se désole Olivier Censier, un retraité interrogé par la chaîne.
Et ce n’est pas tout. Supprimer cet abattement augmenterait le revenu fiscal de référence des retraités, un indicateur clé pour accéder à certaines aides sociales. Résultat ? Certains pourraient perdre leur éligibilité au chèque énergie, à la CSG à taux réduit ou encore à MaPrimeAdapt’, une aide pour adapter son logement au vieillissement. « C’est un effet domino qu’on sous-estime souvent », alerte l’UFC-Que Choisir. Selon les estimations, jusqu’à 500 000 retraités non imposables pourraient devenir imposables, ce qui ferait grincer des dents.
Mais il y a aussi ceux qui trouvent ça juste. « Si ça touche surtout les retraités aisés, je suis prêt à faire l’effort », confie Jean-Pierre Cohier, un ancien commerçant interrogé par Franceinfo. Pour eux, contribuer à l’effort collectif, surtout dans un contexte de crise budgétaire, semble raisonnable. Reste que cette mesure pourrait creuser les inégalités entre retraités modestes et ceux qui ont de confortables pensions complémentaires.
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Un débat qui dépasse les chiffres
Au fond, cette histoire d’abattement fiscal, c’est plus qu’une question d’argent. Cela touche à des choix de société. Faut-il demander plus aux seniors pour soulager les générations futures ? Ou est-ce qu’on risque de fragiliser une population qui a déjà cotisé toute sa vie ? De l’autre côté, des économistes comme Éric Pichet prédisent « la fin de l’âge d’or » pour les retraités, dans une tribune sur The Conversation. Pour eux, avec le vieillissement de la population et la pression sur les finances publiques, cet abattement est condamné à terme.
Le gouvernement, lui, marche sur des œufs. Il parle de « co-construction » avec les partenaires sociaux, histoire de ne pas braquer tout le monde. Mais les syndicats, comme la CGT ou FO, sont déjà sur le qui-vive, prêts à défendre les droits des retraités. Et puis, il y a cette idée qui flotte : et si, au lieu de supprimer l’abattement, on le modulait ? Par exemple, en baissant son plafond ou en le réservant aux pensions modestes. Sauf que, même là, les « effets de bord » inquiètent, comme le risque de pénaliser des foyers juste au-dessus des seuils.
En attendant, on fait quoi ?
Le débat sur l’abattement fiscal des retraités ne fait que commencer. D’ici l’été 2025, le gouvernement promet de présenter les grandes lignes du budget 2026, après des consultations tous azimuts. François Bayrou, le Premier ministre, insiste sur l’urgence : « La survie de notre pays est en jeu », a-t-il lancé le 15 avril. Mais entre les impératifs budgétaires et les réalités humaines, la route s’annonce semée d’embûches. Supprimer cet abattement, c’est peut-être 4 milliards d’euros de gagnés, mais c’est aussi un pari risqué. Les retraités, eux, attendent de voir, partagés entre résignation et colère.
( Temps de lecture : 7 minutes. L’illustration de notre article provient de Pasja1000 sur le site Internet Stevepb. Si l’image vous intéresse, vous pouvez faire un don sur le site avant de la télécharger. )