Altice : Patrick Drahi prêt à céder SFR, mais à quel prix ?
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Rubrique Providers & Offres Internet
Patrick Drahi va-t-il vraiment lâcher SFR ? La question agite le monde des télécoms depuis un bon moment, et les dernières rumeurs, relayées notamment par Le Figaro il y a quelques jours, relancent le débat. Entre une dette allégée, des spéculations sur une vente à 25 milliards d’euros et des obstacles réglementaires, le patron d’Altice joue une partie poker serrée. SFR, en perte de près d’un million d’abonnés, pourrait bientôt changer de propriétaire. On décortique tout ça sur une vente en vue ou un gros bluff ?

Un empire construit sur du vent/de la dette ?
Patrick Drahi, c’est ce milliardaire qui a monté un empire colossal dans les télécoms et les médias, un peu à la manière d’un joueur de poker qui mise gros avec de l’argent emprunté. Sa technique, le leveraged buy-out (LBO pour les intimes), lui a permis de mettre la main sur SFR en 2014 pour 13,5 milliards d’euros. Une belle prise pour Altice, sa maison mère. Mais voilà, construire un château avec des dettes, ça finit par peser lourd.
Aujourd’hui, on parle de 60 milliards d’euros au total pour le groupe, dont 24 milliards rien que pour Altice France en 2023. Pas étonnant que le patron cherche à faire le ménage dans ses actifs. En février 2025, il a réussi un coup : restructurer une partie de cette montagne de dettes, la ramenant à 15,5 milliards pour la branche française en cédant 45 % de SFR à des créanciers comme BlackRock ou Fidelity. Il garde le contrôle, mais cela sent bien le ravalement de façade pour rendre l’opérateur plus appétissant aux yeux d’éventuels acheteurs/repreneurs.
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Des bruits de couloir autour d’une vente
Selon une récente publication de Bloomberg, Altice, la holding du milliardaire Patrick Drahi, envisagerait sérieusement de se séparer d’une participation majoritaire dans SFR, l’un des principaux opérateurs télécoms en France. Cette opération, qui marquerait un tournant stratégique pour le groupe, pourrait valoriser SFR à hauteur de 30 milliards d’euros, dette incluse, selon les estimations. Cette décision intervient dans un contexte où Drahi cherche à restructurer son empire, confronté à une dette importante et à des défis concurrentiels sur le marché des télécommunications. La cession potentielle de SFR, acteur clé du secteur avec ses services mobiles et internet, suscite déjà l’intérêt de plusieurs investisseurs, bien que le prix final et les modalités de la transaction restent à définir.
Des obstacles à franchir pour vendre SFR
Mais attention, vendre SFR, ce n’est pas aussi simple que de bazarder un vieux canapé sur Leboncoin. Déjà, les régulateurs risquent de mettre leur grain de sel. L’Autorité de la concurrence en France et la Commission européenne pourraient dire « stop » si cela menace de trop concentrer le marché. Une fusion qui ramène à trois opérateurs, cela peut faire tiquer : moins de concurrence, et du coup des prix qui grimpent… On se souvient qu’en 2016, Orange et Bouygues avaient tenté un rapprochement, mais cela avait capoté pour ces raisons. Cela dit, fin 2024, au Royaume-Uni, Vodafone et Three ont réussi à fusionner, alors peut-être que les lignes bougent un peu.
Autre problème de taille : le prix. À 25 milliards, SFR pourrait faire fuir les acheteurs français, qui n’ont pas forcément les poches assez profondes. Et puis, avec la présidentielle de 2027 qui se profile, céder un fleuron comme SFR à un groupe étranger, cela pourrait faire grincer des dents au gouvernement. Souveraineté, emplois… vous voyez le tableau.
Pourquoi Patrick Drahi lâcherait SFR ?
Si Drahi envisage vraiment de vendre, ce n’est pas juste un caprice. Ces dernières années, il a déjà taillé dans le vif pour réduire sa dette. En mars 2024, il a cédé BFM TV et RMC à CMA CGM pour 1,5 milliard d’euros. Il a aussi vendu des data centers à Morgan Stanley et 24,5 % de BT au Royaume-Uni pour 3,7 milliards en 2024. SFR, c’est encore le gros morceau d’Altice France, le « joyau » comme on dit. Le laisser partir, ce serait un sacré virage, presque un aveu que son modèle a du plomb dans l’aile. Mais en même temps, ça pourrait lui permettre de se recentrer ailleurs, aux États-Unis ou au Portugal par exemple, ou de tourner la page d’un marché français devenu ultra-concurrentiel depuis que Free a débarqué en 2012. Bref, on sent la stratégie pragmatique, même si cela doit lui coûter de lâcher un bout de son empire.
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Patrick Drahi : le maître du poker menteur ?
Il ne faut pas se leurrer, avec Drahi, tout n’est pas toujours limpide, et c’est un habitué des annonces qui font pschitt. En 2023, il jurait ses grands dieux qu’il ne vendrait pas SFR. Quelques mois plus tard, il changeait de disque, et en 2025, il restructure sa dette pour calmer ses créanciers. Alors, ces rumeurs de vente, c’est du sérieux ou seulement une manière de faire monter la pression ? Peut-être qu’il teste le marché, qu’il agite un chiffon rouge pour voir qui mord. D’un autre côté, SFR ne va pas super bien : des abonnés qui se partent, un scandale de corruption avec Armando Pereira, son bras droit, arrêté en 2023… De quoi pousser Drahi à envisager une sortie, mais sans non plus tout céder au rabais.
Et si la vente se concrétise, cela donne quoi ?
Imaginons que ça arrive. Plusieurs scénarios se dessinent. Option une : un opérateur français comme Orange, Bouygues ou Free met la main sur SFR, ou du moins sur des bouts. Free, avec Xavier Niel aux manettes, pourrait vouloir grappiller des parts de marché, même s’il a dit en 2023 que c’était trop cher pour lui. Option deux : un étranger entre dans la danse, genre Vodafone ou un fonds du Moyen-Orient. Mais là, bonjour les débats sur la souveraineté. Option trois : Drahi vend par petits morceaux, les tours de réseau par-ci, les clients par-là, pour contourner les blocages. Ou alors, il attend. Il temporise, comme il sait si bien le faire, en espérant que le vent tourne. Il a déjà prouvé qu’il pouvait retomber sur ses pattes, même quand tout semblait aller de mal en pis.
Un séisme en vue pour les télécoms ?
Au final, oui, Patrick Drahi pourrait bien vendre SFR. Les signaux sont là, les rumeurs prennent de l’ampleur, et la situation financière d’Altice pousse dans ce sens. Mais entre le dire et le faire, il y a un sacré fossé. Régulation, prix, politique : les obstacles sont nombreux, et Drahi, fidèle à lui-même, voudra tirer le maximum de son opérateur. Pour l’instant, rien n’est signé, et le secteur retient son souffle. Si cela se concrétise, attendez-vous à un gros remue-ménage dans les télécoms français. Les consommateurs, les salariés, la concurrence… tout le monde sera dans la boucle. Alors, on garde l’œil ouvert, parce que cette histoire est loin d’être finie.
( Temps de lecture : 7 minutes. L’illustration de notre article provient de notre stagiaire Alex.I avec une représentation du logo de SFR rétroéclairé dans la pénombre. )